Voici un livre datant de 1967 et qui pourtant s’inscrit pleinement dans l’actualité de la période trouble que nous vivons depuis un an, entre l’obligation de rester cloîtré chez soi pendant le confinement et l’angoisse, la perte de motivation et d’énergie parfois dues à la crise sanitaire toujours en cours. Ce livre s’intitule Un homme qui dort. Ecrit par Georges Perec, il raconte l’histoire d’un étudiant banal qui refuse un matin de se lever et de passer un examen. Ici est le point de départ de notre histoire où va se développer, autour de ce personnage, notre seule accroche avec la réalité.
Le récit est écrit à la deuxième personne du singulier et nous force, malgré nous, à nous plonger dans les pensées du personnage et à nous investir, comme si nous étions à la place de celui-ci et que nous éprouvions ses ressentis. La plume de Perec est habile, les chapitres sont courts tout comme les phrases. Aucun mot n’est laissé au hasard, tout repose sur la description de ce qui entoure ou de ce que ressent le personnage. On craint l’ennui, on le ressent même, c’est celui du personnage mais la magie de l’écriture opère. L’immobilité est trompeuse, l’étudiant est inactif et pourtant il va connaître une réelle évolution tout au long du livre. Il va vivre dans son propre univers, se replier sur lui-même puis, vouloir sortir de cet état et trouver quelque chose qui lui correspond mieux, un endroit où il se sent lui-même. En mettant entre parenthèse sa vie pour prendre le temps de la réflexion, ce personnage nous interpelle. Il peut même nous pousser à mener une introspection, à avoir une réelle prise de conscience sur notre état. On peut penser ne pas faire assez au quotidien, mais lorsque le personnage revient à faire le « strict minimum pour survivre », nous pouvons constater qu’au quotidien, nous réalisons bien plus de choses que nous ne le soupçonnons. Les gestes les plus banals ont leur importance, et ce livre nous amène à nous prendre conscience et à ressentir l’impact de ces derniers que l’on exécute sans même nous en rendre compte. Également, ce livre agit sur notre notion du temps. Il nous l’a fait perdre, tout comme le personnage qui essaie tant bien que mal de faire passer ces journées.
Un homme qui dort est une constatation, un questionnement, une remise en cause. Il montre un homme qui du jour au lendemain veut disparaître des pensées et des mémoires. Il parle d’un homme qui se demande pourquoi il fait autant d’efforts pour finir comme « les autres », à s’épuiser dans un travail qu’il n’aimera pas forcément, avec des amis qu’il ne pourra certainement plus voir, à se forcer à s’imposer des normes sociales qui ne sont pas les siennes. Ce livre décrit cette phase de doute et de peur par laquelle peuvent passer beaucoup de personnes, en particulier ici les étudiants.
En bref, c’est un livre court et merveilleusement bien écrit qui saura vous apprendre quelque chose sur vous. Je vous conseille vivement de vous faire votre propre avis et de lire cette œuvre littéraire qui agit, tel un révélateur, sur son lecteur.