Roman original, plaisant et captivant à lire. On est plongé dans l’histoire dès le début, on suit le rythme effréné de l’homme pressé qui donne sa caractéristique au titre de l’œuvre. Les pages se tournent rapidement, le personnage de Pierre Niox intrigue, amuse, agace, bref ne laisse pas indifférent. Tout le monde peut se retrouver en lui car il incarne un de nos principaux travers, celui de vouloir aller toujours plus vite.
Voici un homme qui mène sa vie à mille à l’heure. Il veut être arrivé avant même d’être parti. Il ne marche pas, il court, lancé à vive allure sur les routes, frôlant en permanence l’accident mortel. Antiquaire, il vole à travers le monde pour acheter les objets qui l’intéressent. Dès les premières pages, nous sommes embarqués, tenus en haleine et curieux de connaitre la prochaine péripétie de ce parcours de vie mené en accéléré. Nous nous demandons sans cesse jusqu’où le mènera cette envie d’aller pour aller toujours plus vite…
L’homme pressé est décidé et impatient, il n’y a aucun délai entre la prise d’une décision et sa réalisation : elle doit être immédiatement appliquée. Un projet à peine achevé, il s’en désintéresse et un autre commence. Il veut une maison, l’achète aussitôt, y fait faire de gros travaux et n’y vivra jamais. Pierre Niox désire, mais ne profite pas. A force de fuir l’ennui et la sensation physique de perdre du temps, il refuse d’être dans le présent et, finalement, il ne vit pas. Sa volonté de gagner du temps l’aveugle. En refusant de ralentir, l’homme pressé consume sa vie, comme s’il était surtout pressé d’en finir avec elle.
Pourtant la rencontre d’une femme, Hedwige, apporte espoir et occasion d’un changement dans sa vie. Elle papillonne, paresse des jours entiers entre sa mère alitée et ses deux sœurs, bref elle prend son temps… Et, contre toute logique, il tombe fou amoureux de celle qui incarne son double inverse et qui précisément va lui demander ce qui lui pose le plus problème : lui accorder du temps… Parviendra-t-elle à transformer l’agitation en modération, la frénésie en douceur de vivre ?
Je vous laisse découvrir quoi, de la lenteur ou de la vitesse aura le dernier mot de cette histoire aux airs de comédie et pourtant sérieuse et ambiguë.
Nous sommes pris dans ce tourbillon qui donne par endroits le vertige et finit par mettre mal à l’aise et nous amène à nous poser des questions sur nos propres modes de vie. Ce roman a peut-être été écrit en 1941 mais il est très actuel. La vitesse est la maladie de notre temps, elle sème la mort sur son passage : agitation permanente, accidents, crises cardiaques, destruction des rythmes naturels… Si Pierre est souvent burlesque, il est surtout tragique. Cet homme pourrait avoir tous les bonheurs du monde, mais il ne sait pas en profiter et gâche sa vie. Il incarne le problème de notre société actuelle composée d’éternels insatisfaits, compétiteurs. Pour Pierre comme pour certaines personnes, la vie ressemble à une course à gagner dont la solitude est le prix ; comme lui, nous courrons vers notre propre destruction à force de vouloir produire toujours plus, toujours plus vite, pour consommer toujours plus et toujours plus mal. Saurons-nous ralentir à temps ? Lire ce livre peut aider à une prise de conscience salutaire…