Dans ce roman, Alain Mabanckou dévoile l’histoire de Petit Piment, de son vrai nom Tokumisa Nzambe po Mose yamoyindo abotami namboka ya Bakoko. Tout commence dans un orphelinat à côté de la ville de Pointe Noire au Congo. Ce pays traverse, alors, une période politique compliquée et violente avec la mise en place d’un régime de type communiste multipliant les exactions et les communications de propagande dont l’orphelinat et ses habitants seront parmi les premières victimes. Le monde que ce jeune congolais a connu depuis sa naissance se transforme, les personnes qui lui étaient chères (un prêtre et une femme de ménage) se font licencier, disparaissent un beau jour sans que l’on sache ce qu’elles sont devenues car elles mettent en péril la propagande du directeur de l’établissement. Face à ce changement radical et aux méthodes disciplinaires nouvelles, Petit Piment décide de s’échapper aux côtés de deux frères jumeaux rebelles, laissant derrière lui Bonaventure, son meilleur ami depuis toujours. Commence une vie d’enfant des rues marquée par la misère, les vols et le danger. Petit piment se retrouve enrôlé dans un « gang » mais le lecteur sent qu’il n’est pas à sa place, il n’est pas un voyou comme le sont ses deux complices. Il finit par rencontrer celle qui va devenir sa mère adoptive : Maman Fiat 500, une femme respectée de la ville, qui est gérante d’une maison close. Il l’assiste, l’accompagne dans le bon traitement des filles et des clients. Il finit par obtenir un travail au port de Pointe Noire et réussit à devenir indépendant. Tout semble rentrer dans l’ordre, Petit Piment est heureux, il a une place dans la société et a retrouvé un foyer affectif. Mais c’est sans compter sur les mesures destructrices d’hommes politiques qui n’aspirent qu’à asseoir leur pouvoir en faisant des exemples dans l’indifférence totale des vies humaines. Je vous laisse découvrir la suite, riche en rebondissements tragiques bouleversants.
Outre l’histoire très émouvante de ce jeune orphelin, victimes parmi d’autres sacrifiée par un régime politique inhumain, la manière dont ce roman est rédigé est intéressante : l’auteur choisit de ne pas tout expliquer, beaucoup d’éléments de la vie de Petit Piment demeurent inconnus, les personnes qui lui sont les plus chères disparaissent au fur et à mesure, sans jamais que le lecteur sache ce qu’elles sont devenues, la fin est elle-même assez obscure et peut prêter à différentes interprétations, tout ceci crée une ambiance particulière, assez intrigante. C’est parfois frustrant et dérangeant et cela peut renvoyer au climat politique décrit, lui-même inquiétant et incertain car en constante mutation. Cela favorise aussi le suspense et l’envie du lecteur de poursuivre sa lecture pour connaitre la suite et savoir si des éléments de réponse seront apportés. La fin est surprenante, presque rassurante car Petit Piment retrouve un personnage important de son histoire tout en étant ouverte car l’hésitation demeure et j’ai bien aimé cette ambiguïté qui laisse la liberté au lecteur d’interpréter les faits.
Par ailleurs, ce roman est intéressant puisqu’il montre les différents conflits qu’il peut y avoir dans un seul et même pays : les guerres d’ethnies, les tensions entre le nord et le sud, les tensions avec les impérialistes français, les tensions avec le gouvernement révolutionnaire communiste, la corruption… La description de ce climat politique très tendu m’a fait découvrir une partie de l’histoire du Congo que je ne connaissais pas et qui permet de mieux comprendre ces différentes crises. Au-delà, cet exemple donne une vision sombre mais réaliste de la mise en place d’un régime dictatorial communiste et de tous les méfaits que cela engendre.