Certains livres peuvent nous bouleverser, pour ma part, ce fut le cas de cet ouvrage racontant l’histoire d’un homme enfermé dans son propre corps. En effet, Jean-Dominique Bauby, souffre du locked-in syndrom à la suite d’un accident vasculaire cérébral massif. Il se retrouve dans une situation invivable, sa conscience demeure intacte mais son corps est paralysé de la tête aux pieds. Il est ainsi enfermé dans ce qu’il va considérer comme son scaphandre, il ne pourra plus manger, respirer ou boire sans assistance ; il ne pourra plus caresser les cheveux de ses enfants ni les embrasser ; il ne pourra plus profiter de tous les plaisirs infimes de la vie dont nous ne prenons conscience bien souvent que lorsqu’ils deviennent inaccessibles. Ne lui reste que le mouvement de son œil gauche qui lui permet de communiquer avec autrui. C’est ainsi, avec l’aide de son orthophoniste, qu’il va élaborer un alphabet spécial dans lequel l’ordre des lettres sera fonction de leur fréquence d’utilisation, et grâce auquel il va pouvoir écrire ce livre afin de libérer son esprit-papillon. Cette histoire est bouleversante car nous sommes directement plongés dans le vif du sujet. En effet, Dominique Bauby se réveille à l’hôpital après plusieurs semaines de coma, et dès cet instant, nous luttons avec lui contre la maladie. Chaque page tournée est un combat continu. On oublie parfois la joie d’être maître de son corps, ce livre nous rappelle la chance que nous avons de vivre notre vie en pleine possession du moindre de nos gestes. Certaines personnes n’ont pas le bonheur de bouger, marcher, courir comme nous le faisons machinalement sans nous en rendre compte. J’accorde un profond respect à cet auteur, qui a dû se battre jusqu’à la fin de sa vie contre la maladie. Malgré son handicap, il prend chaque jour comme il vient. Il offre sa propre vision du monde de son esprit papillon dans son livre poétique, bouleversant et ironique.
Son courage est immense, sa patience sans limite. Son projet d’écrire un livre sera long et difficile mais il réussira à publier ce livre qui correspond à un voyage de l’esprit menant aux confins de l’imaginable. Lecture facile et endiablée, je me suis surpris à rire à plusieurs reprises, son ton ironique même parfois sarcastique nous ferait presque oublier le malheur qui est le sien. Au fil des pages, sont égrenées de multiples émotions teintées pour certaines de regrets et de tristesse, la gorge se serre alors lorsque l’auteur évoque sa souffrance de ne plus pouvoir toucher les cheveux de ses enfants, sa révolte contre des soignants parfois indélicats qui font fi de ses ressentis sous prétexte qu’il ne peut les manifester corporellement, la conscience enfin qu’il a de sa situation et de son issue fatale qui l’amènera à inverser l’ordre naturel de la vie en partant avant son propre père. Pas de pathos pourtant mais une angoisse toujours présente qui rend profondément touchant ce récit. Une belle leçon de dignité humaine aussi. Imaginez-vous prisonnier de votre propre corps. Quelle force d’esprit faut-il pour ne pas succomber à la folie ? Ce récit nous amène à prendre conscience de la fragilité du fil de la vie qui peut se rompre à tout instant. Finalement, ce livre résonne comme un carpe diem, l’auteur, par le récit de sa tragédie mais aussi et surtout par le rappel qu’il fait de tous les petits plaisirs de la vie qui en font toute la saveur, nous invite à savourer chaque instant que la vie peut nous offrir, et, puisqu’il est encore temps, saisissons-les pleinement.