A peine quelques pages tournées de ce recueil de textes poétiques, qu’un sentiment de légèreté s’empare de moi, perdu au milieu d’un train bondé au retour des fêtes de fin d’année.
Les textes semblent s’enchaîner sans la moindre corrélation entre eux, pourtant un fil invisible les relie, celui de l’émotion surgie au détour d’un souvenir ou de la captation de sensations aussi intenses que fugitives. Malgré des textes qui s’enchaînent sans la moindre corrélation, l’idée que l’auteur se fait de chaque expérience décrite est bien là même que nous pourrions nous faire si nous prenions également le temps de les vivre. Phillipe Delerm nous prend au dépourvu tellement la précision de ses récits est épatante. Lorsqu’il parle de l’Opinel presque utile, de sa gorgée de bière tant méritée, ou encore de ce joueur de boules qui ne souhaite plus récupérer celles de ses adversaires, il est difficile de ne pas laisser échapper un léger sourire en coin de bouche tant il excelle dans l’art de décrire des expériences qui font écho à nos propres expériences, que nous aurions pu décrire ainsi si nous avions pris le temps d’y réfléchir et si nous avions le talent d’en rendre compte. Il nous donne le plaisir d’exprimer nos propres ressentis, là est la force de ce recueil.
Certes, comme je suis bien plus jeune que l’auteur, certaines évocations liés à un passé révolu m’échappent tout en suscitant ma curiosité. Lorsque l’auteur parle du Bibliobus ou du journal au petit déjeuner, je me sens comme dépassé par le temps, car, personnellement, je lis mon livre et le journal directement depuis mon smartphone. Il y a là, d’ailleurs, une réflexion sur la vitesse à laquelle le temps fait évoluer nos habitudes qui m’interpelle…
Par ailleurs, en lisant ce recueil, je me plonge non seulement dans mes quotidiens passés, mais aussi dans ceux de mes parents. La cueillette des myrtilles dans les bois, l’épluchage des petits pois, le goût du Porto, le Bibliobus et ce fameux Figaro au petit-déjeuner me font plonger dans la jeunesse de mon propre père, voire de mon grand-père, comme si j’y étais. Les détails apportés aux objets et aux sensations dans chacune de ces histoires sont si poussés, que même des odeurs perdues me remontent à l’esprit, comme celle des chaises en bois et osier qui grinçaient dans la cuisine de ma grand-mère. Il y a malheureusement bien longtemps que je ne me suis pas assis sur l’une d’elles…
Le questionnement est également présent dans cet ouvrage. Il nous invite à nous demander, comme le fait l’auteur lui-même, ce qu’il y a de si unique dans un moment anodin, comment l’évocation d’une sensation éprouvée peut nous renvoyer à notre mémoire à la fois intime et collective. Ce recueil est aussi un mode d’emploi de bonheurs simples et intenses.
Ce livre m’a offert un plaisir personnel agréable et, je pense, durable. Je le conseille grandement à tout le monde, puisque les jeunes, comme les moins jeunes, y trouveront leurs petites histoires vécues à revisiter pour mieux apprécier les prochaines.