Je me rappelais d’Emile ZOLA à travers son roman Germinal, adapté au cinéma, son engagement dans la vie publique, notamment à travers son article J’accuse sur l’affaire DREYFUS et sa défense des ouvriers et autres opprimés.
Son récit naturaliste La Bête Humaine, le 17ème volume sur 20 de la série des Rougon-Macquart, paru en 1890 pendant la révolution industrielle et en plein essor du chemin de fer, m’a attiré pour ce que je connaissais déjà de ZOLA et ce que promettait cette lecture : une immersion dans le monde ferroviaire, assez cher à mon cœur je dois l’avouer, et la découverte du sens de ce titre La Bête Humaine, oxymore revêtant deux aspects : la bête qui sommeille en chacun de nous, et la machine qu’on humanise, avec laquelle on interagit, comme une amie, une femme voire, ici, une jument lancée au galop.
Plus qu’une immersion, ce fut une plongée entre Le Havre et Paris, sur les quais de gare ou dans un Express. Dans cet environnement particulier, Emile ZOLA a intégré des personnages, qui , lisses de prime abord, laissent finalement, suite à un évènement, surgir leur côté obscur. Il en va ainsi de ROUBAUD, sous-chef de la gare du Havre, qui, apprenant les relations intimes abusives de GRANDMORIN, son supérieur Directeur de la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest et protecteur de sa femme Séverine, avec celle-ci durant son adolescence, devient fou de jalousie et tue l’homme dans un train roulant à toute vitesse. Cet assassinat lance l’action car ce crime, qui aurait dû rester impuni va avoir un spectateur imprévu : Jacques LANTIER, fils de Gervaise, descendant des ROUGON-MACQUARD, conducteur de train, qui voue une adoration pour la locomotive qu’il pilote, Lison, personnifiée tantôt comme une femme, tantôt comme une jument. Il assiste à ce meurtre depuis le bord de la voie, sans pour autant identifier formellement l’assassin, alors que lui-même lutte contre des pulsions meurtrières, tare familiale héritée… Cet évènement sanglant va le mettre sur la route de Séverine ROUBAUD qui tente de savoir ce qu’il a vu exactement avant de succomber à ses charmes, au grand dam de Flore, amoureuse silencieuse et éperdue de Lantier, finalement plus dangereuse qu’elle ne parait. L’engrenage est lancé et ne s’arrêtera plus…
Je ne vous raconte pas tout, et surtout pas la fin, à vous de découvrir ou redécouvrir l’histoire. Je dirai juste qu’elle finit par une image marquante, celle d’un train rempli d’hommes, passablement ivres et chantant, roulant à tombeau ouvert vers les champs de bataille de la Première Guerre Mondiale…
J’aime ce livre pour son intrigue à l’envers, on connait les travers et secrets des personnages mais on ne devine pas à l’avance les conséquences qu’ils vont engendrer. J’apprécie la façon dont Emile ZOLA dépeint les personnages, tellement réalistes, qui nous présentent un miroir grossissant de nos propres travers avec leur soif de pouvoir, d’amour, de contrôle… Et puis, demeure ancrée dans l’esprit du lecteur la personnification de la Lison, cette locomotive dotée d’un tempérament, de traits spécifiques qui donne le rythme au récit, un rythme qui, de lent au départ, devient haletant comme si la bête qui sommeille dans les personnages se réveillait au fur et à mesure que la vitesse du train accélère. Une prouesse littéraire mais aussi une critique, toujours actuelle, de cette société qui s’emballe avec les avancées scientifiques et technologiques …