« Tant qu’il y’aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu » :
19 Novembre 2020. Alors que nous sommes au beau milieu du second « confinement » instauré par notre gouvernement dans l’espoir de réduire la propagation de la COVID-19, les informations d’Etat de France 2 s’ouvrent par une interrogation des plus inquiétantes : le Black Friday pourra-t-il avoir lieu vendredi prochain ? Sur Facebook, mon mur me relaie des articles sur la possibilité de voir Canal+ sauver la Ligue 1, les ruptures de stock entachant la sortie de la PlayStation 5 ou d’autres tentant de « dé-bunker » l’improbable vidéo « Hold-Up », sorte de documentaire réalisé en un mois qui prétend donner « La » vérité sur la pandémie que nous vivons.
Au milieu de ce bouillon de Kub Or, j’ai fini de lire ce livre de Tesson Dans les forêts de Sibérie et cette expérience ne fut pas seulement dépaysante, elle résonne en moi et me perturbe positivement. Mais avant d’évoquer cela, désinfectons les plaies : oui, l’auteur est complétement mégalo, oui, c’est un bobo de l’Ouest parisien, oui, ce genre d’aventure n’est pas accessible à toutes les bourses. Passé ce constat, je suis forcé d’admettre que ce bouquin soulève des thématiques qui me touchent particulièrement, notamment la réflexion autour de l’hérésie de notre société de consommation, de notre rapport au temps et à la nature. Si dénoncer de manière ironique la commercialisation par Heinz d’une quinzaine de variété de sauce peut prêter à sourire, cela n’en met pas moins en évidence l’absurdité néfaste de notre société acceptant et même favorisant ce gavage de produits futiles donnant aux consommateur la sensation quelque peu illusoire d’une liberté de choix. Lorsque Sylvain Tesson part, à la marche, rejoindre des amis à 15km et par -15°C, cela parait être une folie alors qu’il ne fait que prendre le temps, se confronter aux éléments naturels pour mieux les appréhender, là où la technique nous a permis de nous affranchir de ces derniers, entrainant leur méconnaissance et amputant ainsi l’homme d’une partie de sa nature.
Si l’ermite semble finalement refuser le confort que la vie moderne propose, il s’affranchit aussi de toute l’aberration que j’ai pu décrire dans le premier paragraphe : pourquoi avoir une console de jeu surpuissante quand on a une montagne et un lac gelé comme terrain de jeu ? Pourquoi acheter une télévision 4k à moitié prix alors que la fenêtre nous offre chaque jour une vue en HD sur une mésange en recherche de nourriture ? Au final, avons-nous vraiment besoin de tous ces artifices qui ne font que nous éloigner du réel ? Le bonheur ne consisterait-il pas à se réconcilier avec la nature et donc avec nous-mêmes ?