Il suffit de lire le titre du livre pour se mettre dans l’ambiance, pour savoir que celui-ci va être à la fois un moment de bonheur et de malheur.
Ce livre raconte la vie de Geneviève de Gaulle Anthonioz au camp de Ravensbrück, plus précisément sa mise au cachot en octobre 1944 par Himmler. Ce dernier connaissait l’identité et donc la valeur de Geneviève, nièce du général, et voulait s’en servir en cas de problème. Durant ces 82 pages de confessions, elle va nous raconter la vie, sa vie, en enfer. Dès le début du livre, on est plongé dans la barbarie et la cruauté des camps à travers l’évocation de certaines figures emblématiques comme celle du docteur Gebhardt qui pratiquait des expériences sur des filles polonaises : prélèvement d’os, de muscles, contamination des blessures avec la gangrène ou le tétanos. Les femmes sont persécutées, elles ne sont que des objets pour les hommes. Il n’y a pas de justice, que de l’injustice. L’horreur est partout et si la mise à l’isolement de Geneviève la préserve de certaines souffrances, il lui en réserve bien d’autres. La plus terrible sera la solitude extrême et son cortège de pensées négatives. Généreuse par nature, elle ne cesse de penser aux autres. Elle se sent » privilégiée » et ne le supporte pas » Pourquoi ne suis-je pas avec les autres ? », se demande-t-elle en culpabilisant constamment. Le lecteur de l’œuvre ne peut s’empêcher de compatir devant son sort tout en éprouvant une grande admiration pour cette figure héroïque mise à rude épreuve. Dans sa situation elle connaitra bien peu de hauts et beaucoup de bas. Ces hauts sont souvent dus à des souvenirs, des rêves, elle va se rappeler de ces amis, de sa famille, ceci va lui permettre de garder un petit espoir, celui que toute cette tragédie se termine un jour et que les coupables se retrouvent devant les juges. Elle adopte aussi une stratégie de survie psychologique en profitant le plus possible des petits moments de bien-être pour ne pas penser à son présent si terrible. Surtout, elle saura cultiver, malgré son isolement, ses amitiés, grâce aux fêtes de fin d’années, et en particulier sa relation avec Anna qui lui est si précieuse. Néanmoins, plus on avance dans la lecture et plus on se rend compte à quel point Geneviève est seule et ne peut compter que sur elle-même, plus on prend conscience aussi de son courage, elle qui n’a pas peur de mourir, elle qui n’a pas peur, non plus, de défier le maitre du camp.
La fin m’a un peu déçue, je l’ai trouvée trop expéditive, peut-être est-ce dû à la difficulté de se confier, même 50 ans après, ou bien a-t-elle voulu faire éprouver au lecteur le caractère totalement imprévisible, contradictoire et angoissant des ordres reçus. De même, l’œuvre m’a semblé très courte, j’aurais bien aimé plus de détails mais mieux vaut la qualité à la quantité et cela prouve que ce livre m’a captivé. On se plonge vite dedans, on s’attache aux personnages, et on a envie d’en savoir plus sur leur histoire, en particulier sur celle de cette famille illustre. Cela a été mon cas et je recommande vivement la lecture de ce journal de bord à tous les curieux d’Histoire mais aussi, plus largement, à toutes les personnes qui ont envie de découvrir « de l’intérieur », au plus près de ses pensées et de ses tourments, une femme dont le courage et les valeurs ont été mises à rude épreuve sans jamais céder devant la barbarie et la souffrance endurée, comme le dit la phrase de Julien Cracq mise en exergue » Tout recommence, tout est vrai. »