Le titre de ce récit dit l’essentiel : c’est l’histoire de 4 soldats, une histoire universelle qui raconte la dureté de leur vie en temps de guerre. Le narrateur, Bénia, orphelin s’en va rejoindre l’Armée Rouge, l’armée russe, pour se battre sur le front roumain en 1919. Le combat est rude, les conditions de vie atroces. Mais, au milieu de l’horreur, il va faire la rencontre d’un puis deux, trois et enfin quatre soldats : Pavel, le débrouillard, Kyabine, le colosse naïf, Sifra, le tireur expert et « le gosse Evdokim », un adolescent de 17 ans, le seul du groupe qui sait écrire, celui qui deviendra l’écrivain et qui retranscrira les histoires vécues de ses nouveaux compagnons. On a faim, on a froid, la neige tombe dès le début d’octobre, on dort dans des fossés, on ne mange que de la kacha froide et du poisson séché. Le tabac manque, le thé manque mais la magie de l’amitié opère et de ces manques, les cinq hommes font faire le ciment de leur amitié. Au milieu de l’enfer, ils sauront trouver du plaisir dans le partage, ils découvriront un étang qui deviendra leur havre de paix, leur endroit secret qui leur permettra d’oublier le combat, d’oublier la guerre et leur destin, sûrement tragique. Ils lutteront contre le manque de chaleur, de nourriture, de confort en se réchauffant dans la tente qu’ils ont, eux-mêmes, construite, en jouant aux dés et en pariant du tabac. Autant d’activités insignifiantes en apparence et pourtant essentielles car elles leur permettent de mettre à distance l’idée sordide que l’heure de leur mort presque inévitable approche…
C’est un livre qui m’a émue, un récit qui m’a particulièrement touchée. Le combat, l’armée et la guerre ont fait partie de mon histoire familiale et en font encore partie aujourd’hui. Je connais bien cet univers très dur. Durant toute ma lecture, j’ai pu identifier les personnages aux personnes de ma famille proche et cela m’a bouleversée. Leur combat pour survivre, leur besoin de se rattacher à l’idée d’être aimé à l’extérieur de leur quotidien pénible, les échanges de tabac contre des corvées… Tous ces éléments se retrouvent dans l’armée française d’aujourd’hui et ce sont ces détails très réalistes qui permettent de s’immiscer pleinement dans l’histoire. C’est un livre que je recommande vivement. Il dit la solitude du soldat qui se sent, par moments, totalement abandonné en proie à la peur et à l’angoisse de la mort. Mais il dit aussi la force et la beauté de l’amitié, celle qui permet de surmonter l’horreur, d’échapper à ses cauchemars atroces parce qu’un ami est capable, quasiment toutes les nuits, de renoncer à son sommeil pour aller marcher avec vous. Il dit la magie de cette fraternité, parfois bavarde, le plus souvent silencieuse, simple présence qui réconforte. C’est un livre sombre et lumineux à la fois, essentiel pour qui veut connaitre les conditions de vie d’un soldat. Je le recommande vivement.