La petite fille de Monsieur Linh raconte l’histoire d’un homme veuf et âgé fuyant son pays meurtri par la guerre, celle du Vietnam. Monsieur Linh fuit la terre où ont été tués son fils et sa belle-fille. Il se retrouve, au début de l’histoire, à l’arrière d’un bateau, serrant dans ses bras celle qu’il désigne comme sa petite fille, « Sang diu », qu’il chérit et protège. Après un long voyage en mer, Monsieur Linh se retrouve en France, un pays où tout est étranger pour lui, même la langue. Il s’installe dans un centre de réfugiés, toujours en prenant très soin de sa petite fille qui ne pleure jamais et qui est toujours sage. Après plusieurs jours, il décide de sortir pour découvrir la ville. Il rencontre un homme nommé Monsieur Bark, veuf lui aussi. Rien n’aurait dû rapprocher ces deux solitudes qui ne parlent pas la même langue et dont les histoires respectives auraient pu même les rendre ennemis et pourtant une amitié, au-delà des mots et des différences culturelles, va naître et se fortifier dans l’acceptation sans préjugé de l’autre.. Chaque jour, ils se retrouvent toujours au même endroit pour discuter, en face d’un parc. Et c’est dans la simplicité de ces petits moments de bonheur que Monsieur Linh va trouver réconfort et joie. Jusqu’à ce jour tragique où, sans explication ni avertissement, Monsieur Linh est transféré dans un asile, toujours avec sa petite fille. Il perd la trace de son ami et veut s’enfuir. Là, le drame se noue et l’on suit les mésaventures de Monsieur Linh en ayant la gorge nouée par l’émotion jusqu’au dénouement à la fois inattendu et pourtant évident qui nous invite à relire le récit en prêtant plus d’attention à certains détails révélateurs, qui donne aussi à cette histoire une profondeur humaine bouleversante.
Ce roman cible des thèmes graves, touchants et émouvants.
Il évoque tout d’abord le thème de la guerre mais aussi celui de l’exil, les deux étant liés. On ressent la souffrance du personnage qui a tout perdu à travers la mort de ses proches. Dès le début de l’histoire, le narrateur présente le départ de Monsieur Linh de son pays natal. Il décrit la perte de repères et le déracinement du personnage. Sa terre, son village, tout lui manque. Il ne retrouve plus les odeurs de son pays, tout est étranger pour lui. C’est une situation à laquelle n’importe qui, qui aurait vécu l’exil, peut s’identifier. Peu importe le pays de départ ou celui d’arrivée, peu importe l’époque à laquelle se situe l’histoire, la détresse éprouvée par le personnage semble partagée par tous les exilés et elle est fort bien transmise au lecteur lui-même qui s’identifie à Monsieur Linh. C’est un être déraciné qui n’a plus nulle part où aller, un être fragile et fort à la fois qui trouve sa raison de vivre dans la protection illusoire qu’il veut apporter à sa petite fille. Son traumatisme est immense, les conséquences de ce dernier lourdes et destructrices. Tout au long de l’histoire, on progresse avec le vieil homme, on ressent ses peines, ses petites joies, les humiliations aussi qui lui sont faites, le regard d’autrui pas toujours bienveillant qui se moque de ses particularités, voire le rejette.
Enfin, lueur d’espoir dans cet horizon bien sombre, le dernier thème abordé est celui de l’amitié, à travers la relation émotionnellement très forte qui se construit entre les deux hommes que tout semble opposer. Physiquement, l’un est grand, plutôt gros et imposant. L’autre est amaigri, âgé et fatigué. De plus, ils ne parlent pas la même langue et ont des parcours qui aurait dû en faire des ennemis puisque l’un est parti faire la guerre quand l’autre l’a subie. Ils n’ont de plus créé ce lien d’amitié que par les gestes. Et pourtant, ils vont se retrouver sur l’essentiel. Ils partagent la même souffrance, celle de la perte d’un ou de plusieurs êtres qui leur sont chers. Tous deux vont dès lors se retrouver et distraire leur solitude en se remémorant ensemble leurs souvenirs. Ainsi, la présence de l’autre comble l’absence qu’ils ressentent, mieux chacun va accueillir l’autre sans préjugés et, au contraire, avec bienveillance et affection. Cette belle histoire nous montre toute la force que peut avoir une vraie amitié qui se moque des différences. Ni l’apparence, ni la langue, ni la nationalité ni l’âge ne sont des obstacles à celle-ci.
C’est vraiment un très beau livre, nous sommes impliqués tout au long du récit et la révélation finale, que le lecteur ressent comme une évidence, apporte une dimension supplémentaire à l’histoire.
On sort de cette lecture plus humain, il nous amène à porter un autre regard sur la folie, sur la souffrance et sur l’autre, si semblable à soi.