Le problème avec Jane nous plonge dans la vie intime d’une femme.enseignant la littérature française dans le monde universitaire américain. C’est un récit troublant car le lecteur entre par effraction dans cette vie. Il est en quelque sorte placé dans la position du voyeur ayant accès aussi bien aux actions les plus intimes du personnage qu’à ses pensées les moins avouables. C’est pour cela qu’il se révèle envoûtant et dérangeant.
Un matin Jane fait la trouvaille d’un manuscrit retraçant sa vie depuis 9 ans ce qui la pousse à se replonger dans ses échecs, ses réussites, ses peines et ses peurs anciennes. A ce stade de la lecture on peut tous s’identifier à Jane, se poser les mêmes questions, partager les mêmes émotions, ressentir le même effroi et n’avoir qu’un but en tête : démasquer l’auteur. Sa préoccupation tout au long de sa lecture est de trouver quel ancien amant ou ami peut avoir monté un roman aussi détaillé sur sa vie. Plus elle avance dans le récit, plus elle écarte les différents suspects et se sent trahie, à tour de rôle, par ses proches.
Ce livre se construit de façon à ce qu’on ait l’impression d’accompagner Jane dans la lecture du roman de sa vie. Néanmoins, par moments, dans de brèves coupures, nous sommes confrontés à ses suspicions et ses pensées. Nous avons donc à la fois la vision sur Jane de celui qui a écrit le manuscrit et celle de Jane, elle-même, autrement dit un regard extérieur et celui interne d’un même personnage, ce qui est très intéressant car la confrontation des deux points de vue montre la complexité de l’être et le fossé qui existe parfois entre ce que l’on pense de soi et ce que les autres pensent de nous.
Le manuscrit qu’elle lit s’intitule lui aussi Le problème avec Jane nous pouvons alors comprendre qu’il s’agit d’un même roman à l’intérieur du roman, que nous lisons le même livre que le personnage. Il traite tout particulièrement de ses relations amoureuses plutôt instables et souvent passionnées. Mais gare au a priori il s’agit aussi d’analyser les différents liens amicaux et familiaux ainsi que le monde universitaire où elle tente tant bien que mal d’évoluer et de monter en grade.
Dans cette œuvre les réactions excessives, les doutes incessants et les frivolités de Jane nous agacent, et même parfois nous poussent à la mépriser ce qui rend le personnage principal imparfait comme n’importe quel humain. C’est une des grandes forces de ce livre. Jane est une personne ordinaire avec des réactions parfois pathétiques, elle n’est pas une héroïne traditionnelle, elle doute, elle se trompe, elle est pénible, injuste, narcissique, tellement forte et fragile à la fois. Ce livre nous fait suivre l’évolution d’une femme qui admet ses défauts au fur et à mesure du temps et des erreurs finalement avouées. Il met en avant l’importance de la relation sociale chez la femme et ici la peur de faire des choix décisifs qui peut parfois être perçue comme de la lâcheté. On s’aperçoit que sa prise de conscience résulte d’un choc psychologique provoqué par des événements assez rudes comme une agression ou un harcèlement. Il nous montre comment Jane finit par se remettre en question. Elle prend conscience que ces peines ont souvent été causées et entretenues par son attitude et que sans doute à elle de changer son comportement si elle veut régler ses problèmes.
Ce livre est passionnant, il intrigue (on mène l’enquête en même temps que Jane), surprend (l’identité de l’auteur du manuscrit est inattendue), émeut (on souffre avec Jane, on se désole parfois de ses réactions) et nous fait comprendre qu’il est parfois essentiel de savoir se poser les bonnes questions en étant un minimum ouvert d’esprit. Belle découverte, je le recommande !