Ce livre est autobiographique car l’auteur nous raconte bien son histoire personnelle en centrant ses propos sur la vie de son père mais aussi de la famille qu’ils formaient à trois avec la mère. Une vie difficile, son père a connu la guerre, ses parents ont perdu, à l’âge de 7 ans, leur première fille morte d’une diphtérie. Ils ont réussi à gravir les échelons sociaux. Partis de l’usine, ils font l’acquisition d’un petit commerce et ont une seconde fille Annie.
Très vite, pourtant, on se rend compte que l’intérêt du livre n’est pas dans le caractère intime de l’histoire racontée. La narration est volontaire sèche, impersonnelle, décevante pour le lecteur qui y chercherait de l’émotion. Elle raconte froidement, à nous mettre parfois mal à l’aise, la relation qu’elle avait avec ses parents notamment son père. Et le regard est sociologique plus que filial. Elle décrit son père et met en évidence sa caractère assez rustre : il parle peu, son langage est très familier et pauvre car il n’est pas allé longtemps à l’école, son attitude vis-à-vis de sa femme est aussi basique, peu d’échanges encore moins de gestes de tendresse. Il ne s’anime que devant les clients pour montrer une belle image et « tenir son rang ». De même, au niveau financier, on fait croire que tout va bien alors que ce n’est pas toujours le cas. Or Annie va grandir et va faire des études bien plus poussées. Le décalage entre parents et fille va devenir de plus en plus grand, la gêne va s’installer. Par exemple, quand Annie amène des amies chez elle, son père essaie d’utiliser un langage qu’il ne maîtrise pas et on sent que cela dérange très fortement Annie qui n’a plus envie de faire partie de cet univers là. Elle souhaiterait appartenir au monde des gens de bonne éducation aux finances plus aisées, et c’est ce qui arrivera quand elle se mariera et qu’elle partira vivre dans les Alpes.
J’ai eu du mal à apprécier ce livre en commençant ma lecture car le ton était trop froid, neutre, insensible alors même que la première scène est la toilette mortuaire du père. Et puis j’ai compris que l’intérêt n’était pas là. Ce livre vaut pour le regard critique porté sur les différences sociales et les caractéristiques de la classe des ouvriers et des petits commerçants.
Ce livre m’a presque fait culpabiliser de la chance que j’ai d’avoir aujourd’hui ce qu’Annie ERNAUX n’a pas eu plus jeune et je pense qu’en écrivant ce livre elle a voulu rendre un hommage à son père malgré tout qu’elle n ‘a pas toujours compris car je pense au fond d’elle qu’elle l’aimait d’une certaine façon mais n’a jamais pu lui avouer car cela ne se faisait pas chez eux et peut être a-t-elle voulu choquer les lecteurs en leur faisant réaliser ce qui est important dans la vie et la chance qu’ils avaient, eux, de pouvoir vivre à l’aise.